L’art cinématographique, par sa nature immortelle, a une empreinte indélébile sur la culture et le divertissement. Cependant, derrière chaque film se cache une question persistante – pourquoi les films durent-ils toujours 90 minutes ou plus ? Cet équilibre complexe entre narration, spectacle visuel et expérience du spectateur est une symphonie structurée qui, bien qu’elle puisse sembler arbitraire, repose en réalité sur des principes profonds de l’art dramatique, de la psychologie et, bien sûr, de l’économie.
Sommaire
Les fondements psychologiques de la durée
La psychologie de la perception nous donne des clés sur la durée idéale d’un film. La notion de “temps psychologique”, où la perception du temps varie en fonction de l’activité mentale, est cruciale en cinéma. Le réalisateur utilise cette notion pour immerger le spectateur dans la trame, le detourner de la réalité, et lui faire oublier le temps qui passe.
La durée classique de 90 minutes ou plus trouve son origine dans l’attention soutenue à une activité : après 45 minutes, le spectateur commence à perdre de l’engagement, puis un nouveau pic d’attention peut être atteint. Ce n’est pas un hasard si la psychologie et la biologie nous dictent des rythmes qui se reflètent dans la durée des actes d’un film.
Narration et structure d’acte
La narrative du cinéma est souvent articulée en trois actes, modèle qui remonte aux pièces de théâtre de l’Antiquité grecque. Chaque acte a une fonction dramaturgique spécifique, instaure un rythme dans l’intrigue, et ainsi, une progression du temps.
Le premier acte, l’exposition, installe les personnages, l’univers, et le conflit. Il est souvent le plus court, pour maintenir l’attention sans entrer immédiatement dans le vif de l’action. Le second acte, marqué par le développement du conflit, est le plus long et le plus riche en rebondissements, pour maintenir l’engagement. Enfin, le troisième acte offre la résolution, souvent plus rapide, pour ne pas diluer l’impact de la conclusion.
Économie et accords du spectateur
L’aspect économique n’est pas non plus étranger à la durée traditionnelle des films. Un film de moins de 90 minutes est souvent vu comme offrant moins de valeur par le consommateur en comparaison avec une projection plus longue.
Par ailleurs, les accords sociaux influent également sur la perception de la durée. Il peut sembler “injuste” de payer le même prix pour une œuvre courte et une plus longue, ou un film qui ne remplirait pas cette durée traditionnelle.
Évolution contemporaine et remise en question
L’avènement des séries TV, du streaming et des nouveaux modèles narratifs questionne la pertinence de cette durée “sacrée”. Les consommateurs modernes sont peut-être plus ouverts à des formats plus flexibles, où la durée n’est plus un critère de qualité ou de prix.
Les réalisateurs indépendants se détournent souvent de cette tradition, offrant des films plus courts ou au contraire, des œuvres plus longues, exploitant la liberté artistique que les nouveaux canaux de diffusion leur offrent. La résistance à cette durée standard est un signe que l’équation entre durée et valeur artistique continue d’évoluer.
En conclusion, la durée des films est intrinsèquement liée à des nombreux facteurs : de la psychologie humaine à l’économie du divertissement en passant par la structure dramaturgique. Cependante, la créativité et l’innovation dans l’industrie cinématographique ouvrent de nouvelles portes, bousculant peut-être de manière permanente cette tradition des 90 minutes ou plus.
